RevUE de la conférence d’Anand Menon proposé par Nicholas Dubois

« The UK after the elections. Back to ‘normal’ ? », le 16 octobre 2024 avec Anand Menon (UK in a changing Europe).

 

Le 16 octobre 2024, à l’Université de Montréal, Anand Menon a tenu une conférence intitulée « The UK after the elections: Back to ‘normal’? ». Anand Menon est professeur de politique européenne et d’affaires étrangères au Kings College, ainsi que directeur du think tank « The UK in a Changing Europe ». Sa présentation porta sur son analyse des résultats des élections générales de juillet dernier au Royaume-Uni, ainsi que les contextes économique, politique et culturel qui servirent d’arrière-plan à ces élections. Bien que le parti travailliste (« Labour ») ait remporté une majorité écrasante, avec 411 des 650 sièges à la Chambre des communes, Anand Menon nous met en garde. Ce nouveau gouvernement, en apparence très solide, pourrait s’avérer un château de sable électoral.

Qu’entend le professeur Menon par « back to ‘normal’ » ? Tout d’abord, la société britannique, avant les élections de juillet 2024, en est une qui fut profondément marquée par le Brexit. Si la politique britannique étant auparavant la politique de classe, le Brexit y rajouta un nouveau clivage social. Ce clivage a, à son tour, eu comme effet de brouiller les cartes électorales britanniques, ce qui fit naître des nouvelles coalitions électorales peu solides. Si Boris Johnson a pu remporter une victoire aux élections générales de 2019, c’est qu’il fut très habile à rassembler le vote « Leave » sous la bannière du parti Conservateur.

À la base de cette instabilité politique est une économie britannique anémique, selon Anand Menon. Les données présentées par le conférencier ne laissent planer aucun doute : les salaires réels ont seulement augmenté de 1 % depuis 2008 ; les gains de productivité sont presque inexistants durant la même période ; et les taux d’investissements pâlissent en comparaison aux États-Unis et les pays de la zone euro. Ce marasme économique s’accompagne, au niveau politique, d’un short-termism chronique – l’absence de vision à long terme de la classe politique – qui s’illustre tant chez Labour que chez les Conservateurs. Le système politique britannique est donc incapable de livrer les programmes à long terme requis pour effectuer un redressement de l’économie et des services publics. La partisanerie qui caractérise la politique britannique, exacerbée par le Brexit, mine tout consensus qui pourrait exister autour d’enjeux fondamentaux.

C’est ce contexte qui a servi de toile de fond aux élections générales de 2024. Selon Anand Menon, le chef du Labour, Keir Starmer, fut très chanceux. La période postpandémique rendait difficile la réélection d’un gouvernement sortant. Le gouvernement conservateur avait été ébranlé par une série de scandales. Malgré cela, Labour a remporté sa majorité avec seulement 34 % des voix exprimées, une efficacité du vote étonnante. Cette majorité « forte » serait donc très précaire selon Anand Menon, qui la compare à une tour de Jenga. Les victoires du Labour furent marginales, aucune circonscription n’ayant été remportée par plus de 10 % des voix exprimées. Avec un électorat très instable, les « châteaux forts » électoraux – tel le Red Wall pro-Labour du nord de l’Angleterre – sont chose du passé. Le défi pour tous les partis, même Labour, sera de (re) bâtir leurs bases électorales. Étant donné le portrait économique et politique du Royaume-Uni qu’Anand Menon a dressé, cette tâche pourrait s’avérer difficile.

Nicholas Dubois.



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