RevUE du colloque du CJMM et du RAS proposée par Fiona Bernard

« La politisation des enjeux de défense et d’orientation stratégique », le 9 et 10 décembre 2024.

Les 9 et 10 décembre 2024, un colloque organisé par le CCEAE, avec le soutien du programme MINDS, du Centre Jean Monnet de Montréal et d’autres partenaires (CEPSI, RAS), a abordé la question de la politisation des enjeux stratégiques dans un contexte mondial marqué par la désinformation. À travers quatre tables rondes, les intervenants ont exploré les opportunités et les risques que représente ce phénomène pour les démocraties modernes.

La politisation des questions stratégiques peut être un puissant levier d’information et de mobilisation citoyenne. Jean-Charles Larsonneur a montré comment l’utilisation d’informations sensibles, telles que les images satellitaires illustrant les activités russes au Mali, a permis de contrer efficacement des campagnes de désinformation et de sensibiliser le public. Ces démarches, en France comme dans d’autres contextes européens, ont renforcé l’adhésion des citoyens à certaines décisions stratégiques clés. Yannick Pincé a, pour sa part, plaidé pour une politisation positive, permettant d’élargir les débats stratégiques au-delà des cercles restreints d’experts. L’exemple des pays baltes et de la Suède a illustré comment des initiatives éducatives et une régulation rigoureuse des médias numériques peuvent renforcer la résilience institutionnelle face aux menaces de manipulation.

Cependant, ce processus comporte des risques importants. Dans des contextes électoraux fragiles, comme en Moldavie ou en Géorgie, des campagnes de désinformation, souvent financées par des intérêts étrangers, ont alimenté les divisions politiques et manipulé les opinions publiques. En Bulgarie, l’absence de politisation constructive a laissé le champ libre à des fake news amplifiées par un système médiatique dominé par des oligarques. Ce phénomène a exacerbé un climat de défiance populaire, en particulier sur des sujets sensibles comme l’envoi de troupes en Ukraine. Aux États-Unis, Maud Quessard a souligné une fracture générationnelle grandissante : les jeunes, plus critiques à l’égard des politiques israéliennes, adoptent des positions opposées à celles des générations plus âgées, rendant difficile tout consensus national sur les grandes crises internationales.

Les intervenants ont également examiné le rôle central des États, des partis politiques et des médias dans la gestion ou l’amplification de ces dynamiques. Les pays comme la Suède et les États baltes se distinguent par des stratégies intégrées, combinant éducation citoyenne, régulation des plateformes numériques et partenariats avec des ONG locales pour détecter et démentir rapidement les fausses informations. À l’inverse, dans des contextes où les régulations sont absentes, comme en Bulgarie, les plateformes numériques favorisent la propagation de narratifs manipulatoires adaptés aux cibles locales, souvent orchestrés par des acteurs étrangers, notamment la Russie.

En conclusion, ce colloque a mis en évidence la dualité de la politisation des enjeux stratégiques. Si elle est bien encadrée, elle peut éclairer les citoyens et renforcer le débat démocratique. Cependant, mal maîtrisée, elle devient un vecteur de polarisation et de manipulation, menaçant la stabilité des démocraties. Une réponse globale et proactive, alliant éducation, régulation et résilience institutionnelle, est indispensable pour relever ces défis. Les exemples récents des pays baltes et de la Suède offrent des modèles inspirants pour envisager des solutions adaptées à divers contextes nationaux.

Fiona Bernard.

 



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