RevUE du lancement du livre d’Alexandra Ana proposée par Chloé Guillo
« The NGOization of Social Movements in Neoliberal Times », le 20 mars 2025 avec Alexandra Ana (Université de Montréal), Pascale Dufour (université de Montréal), Nora Nagels (Université du Québec à Montréal) et Danielle Coenga-Oliveira (Université de Montréal).
La conférence « Lancement d’un livre : The NGOization of Social Movements in Neoliberal Times » a abordé les problématiques de la dépolitisation des mouvements sociaux dans un contexte néolibéral, en se concentrant particulièrement sur le mouvement féministe à l’aide d’une étude comparative entre la Roumanie et la Belgique. Dans son livre, Alexandra Ana met en évidence la tension entre institutionnalisation et dépolitisation, montrant que l’intégration des mouvements dans des structures bureaucratiques et financées par des organisations internationales ou des gouvernements peut les rendre plus légitimes, mais aussi limiter leur radicalité. Elle distingue différents processus – professionnalisation, bureaucratisation et précarisation – et introduit le concept d’« instances de cooptation », qui analyse comment certains militants entrent dans les institutions et transforment leur engagement.
Pascale Dufour, professeure en science politique et spécialiste des mouvements sociaux et de l’action collective, a montré, quant à elle, durant la conférence, que l’ONGisation n’est pas automatique et dépend du contexte, notamment au Québec, où l’autonomie politique et financière des groupes est négociée. Nora Nagels, professeure en développement et politique internationale spécialisée sur les objectifs d’égalité de genre en politique sociale en Amérique latine, a distingué ONGisation, institutionnalisation et précarisation, tout en mettant en évidence leur interdépendance. Elle a souligné que si l’ONGisation permet aux mouvements d’accéder à des ressources et à une reconnaissance institutionnelle, elle peut aussi les bureaucratiser et les professionnaliser, ce qui entraîne parfois une perte d’autonomie politique.
Nora Nagels a illustré l’impact de l’institutionnalisation sur les mouvements sociaux en évoquant le cas de la Belgique, où l’accès aux financements de la communauté francophone peut être conditionné à l’organisation d’événements mixtes. Si cette exigence favorise une certaine inclusivité, elle peut aussi conduire à des compromis éloignant les organisations de leurs objectifs féministes initiaux, incarnant ainsi une forme de dépolitisation induite par les contraintes institutionnelles. Les groupes les plus établis parviennent parfois à contourner ces règles, mais cette situation met en évidence la complexité des relations entre les mouvements sociaux et les institutions.
L’exemple de la Roumanie et de la Belgique met en évidence des dynamiques que l’on retrouve ailleurs, notamment au Québec, comme l’a expliqué Pascale Dufour, où les mouvements sociaux doivent négocier leur autonomie face aux États et aux bailleurs de fonds. Par exemple, au Québec, les groupes communautaires bénéficient de financements publics tout en tentant de conserver une indépendance politique — une tension similaire à celle observée en Belgique. À l’échelle mondiale, l’ONGisation est aussi au cœur des débats sur l’efficacité des mouvements sociaux face aux régimes autoritaires. En Hongrie, la répression des ONG féministes et LGBTQ+ montre comment l’institutionnalisation peut être retournée contre les mouvements eux-mêmes, via des restrictions juridiques ou des coupes budgétaires.
Chloé Guillo.