Carnet de voyage en Grèce

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En décembre dernier, le Centre d’Excellence sur l’Union Européenne (Université de Montréal/McGill) a organisé un séminaire doctoral inédit à l’École Française d’Athènes. Au programme, un des sujets européens les plus saillants de ces dernières années : la gestion de la crise migratoire dans l’espace méditerranéen, dont la Grèce est aux premières loges. Pour en discuter, des jeunes chercheurs venus de Montréal, Cracovie, Bologne ou encore Utrecht se sont réunis dans la plus vieille institution du Ministère français de l’Enseignement Supérieur à l’étranger, le temps d’une intensive semaine.

Remarquablement préparé par Tassos Anastassiadis, professeur d’histoire à McGill et également Directeur d’Études à l’École Française d’Athènes, le workshop a articulé interventions académiques et points de vue d’experts. Ainsi, les étudiants ont eu l’opportunité d’approfondir la notion d’(in)sécurité appliquée aux dynamiques migratoires, et sont devenus incollables sur le cadre juridique du droit d’asile en Europe – les accords de Dublin II. Enjeu politique encore plus saillant, l’accord migratoire entre l’UE et la Turquie sur la réadmission d’étrangers en situation d’irrégularité a été à de nombreuses reprises au cœur de la discussion – pour en conclure qu’il n’a d’accord que le nom.

Au regard de l’aspect pratique de la crise, la rencontre avec de nombreux professionnels la vivant au quotidien ont été de précieuses ressources pour les étudiants. Le workshop a vu se succéder dirigeant de l’antenne grecque de Frontex, avocats à la cour d’asile ou encore un ancien responsable du principal first reception center de Grèce – contraint à la démission suite à l’absence de réaction des dirigeants politiques à ses nombreuses demandes de moyens supplémentaires pour assurer des conditions d’accueil décentes au million de réfugiés arrivés sur les côtes grecques, rien qu’en 2015. Parmi les interventions avec les praticiens, la position d’une avocate spécialisée dans le droit d’asile est particulièrement révélatrice de la nature de la crise : «this is not a migratory crisis, but a management crisis». Les autorités politiques se sont retrouvées impuissantes à gérer l’afflux de personnes en raison d’un manque structurel de coordination et coopération entre les administrations, ainsi qu’une insuffisance de ressources et de personnel. Entre l’Union Européenne et la Grèce, et les organismes locaux entre eux, chacun semble se renvoyer la responsabilité de gérer la situation.

Depuis l’entrée en vigueur du « deal » avec la Turquie, un équilibre fragile semble avoir été trouvé. Les flux étant passés de 10 000 à …75 arrivées par jour, l’administration grecque est davantage en mesure de traiter les demandes d’asile, de réunification familiale ou de relocalisation dans les autres États-membres, même si la mise en œuvre des quotas est loin d’atteindre les résultats annoncés. Seules 21000 personnes ont été relocalisées depuis l’Italie, et 6000 depuis la Grèce, sur les 160.000 attendues. Pour clore cet aperçu global de la gestion de la crise migratoire, les étudiants ont eu l’opportunité de visiter non seulement les services de droit d’asile, ainsi qu’un centre pour les personnes en attente de relocalisation en banlieue d’Athènes. Accompagnés par les organisateurs du séminaire, ils ont pu constater par eux-mêmes l’énergie et la persévérance qui animent les individus, professionnels et bénévoles, qui gèrent cette situation au jour le jour. D’ailleurs depuis 2015, les mouvements de solidarité citoyenne à Athènes et sur les îles mettent en évidence une opinion publique grecque de plus en plus tolérante à l’égard des migrants, sans doute un exemple dont les Européens devraient s’inspirer.



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