RevUE de la conférence de Julia Cagé proposé par Vasilios Kallianiotis
« Une histoire du conflit politique : élections et inégalités sociales en France (1789-2022) », le 17 novembre 2023 avec Julia Cagé (Science Po Paris).
Dans son plus récent ouvrage intitulé « Une histoire du conflit politique : élections et inégalités sociales en France (1789-2022) » et co-écrit avec l’économiste français Thomas Piketty, Julia Cagé se penche sur les dynamiques électorales en France. À l’aide d’une analyse historique du comportement électoral en France, la co-autrice tente concrètement de répondre à la question du « qui vote et pourquoi ? ». Plus précisément, une analyse de la structure sociale en France et de son évolution, à travers une enquête sur les près de 36 000 communes en France, cherchera à faire comprendre comment des différences socio-économiques peuvent expliquer les différents comportements électoraux et comment ces différences et comportements sont ancrés dans l’histoire.
Dans la conférence, Mme Cagé discute notamment du choix méthodologique de l’ouvrage. D’abord, le choix de l’analyse historique est basé sur le fait que les discours modernes sur le choix électoral sont plus ou moins basés empiriquement ; ainsi, une analyse historique permet de clarifier la recherche et offrir une perspective nouvelle. Le cas français est spécifiquement pertinent compte tenu de l’étendue importante des élections en France, reconnue comme étant la plus vieille démocratie électorale. De plus, la richesse du maillage territorial en France permet d’efficacement cerner la diversité du choix électoral à travers les communes françaises. Cette hétérogénéité sociale permet donc une analyse plus riche et précise des comportements électoraux.
L’exemple du basculement rural du vote du Rassemblement national (RN) – précédemment connu comme Front national (FN) – a notamment été évoqué pendant la conférence pour démontrer l’intérêt d’une analyse historique de la structure sociale française. Il est notamment expliqué que l’électorat du FN jusqu’en 1988 semblait particulièrement urbain avant un retournement plutôt important au tournant du 21e siècle, où l’électorat principal du parti devient rural. Cet exemple est pertinent, car il amène un questionnement lié à une autre intervention de la conférencière. En effet, la logique argumentaire de l’ouvrage explique notamment que les clivages électoraux sont de plus en plus déterminés par des facteurs socio-économiques et non par des facteurs identitaires. Cela est intéressant dans l’étude du RN (ex-FN). Si la question identitaire demeure impérative pour l’extrême droite française représentée par le RN, il est curieux de voir que depuis les élections de 2012, la question économique est devenue de plus en plus saillante pour le parti, appuyant la thèse socio-économique susmentionnée.
Globalement, la conférence et plus généralement, l’ouvrage semblent d’actualité pour deux raisons principales. D’abord, les récentes élections en France incitent à une étude des résultats et à une compréhension plus approfondie des comportements électoraux ; l’ouvrage, à travers une analyse historique, permet de mieux comprendre les dynamiques en jeu lors de la récente élection, notamment en faisant allusion à un retour à la tripartition politique en France. De plus, l’ouvrage permet également de mieux comprendre le principe plus général de la participation électorale. Question saillante dans les différentes études électorales, l’ouvrage tente d’offrir une réponse au dilemme de la faible participation électorale actuelle en France à travers une analyse historique de cettedite participation.
Vasilios Kallianiotis.