RevUE de la conférence du CJMM et du CÉRIUM proposée par Éloïse Gagné

« Entre Union européenne et Russie : tensions électorales aux marges de l’Europe », le 20 novembre 2024 avec Magdalena Dembinska (UdeM), Frédéric Mérand (UdeM).

 

Le 20 novembre dernier, lors d’un évènement organisé par le CÉRIUM en partenariat avec le Centre Jean Monnet de Montréal, Magdalena Dembińska a marqué une pause pour rappeler une sombre réalité : cela faisait 1000 jours depuis le début de la guerre en Ukraine. Depuis 1000 jours, les citoyens ukrainiens vivent sous les bombardements, tandis que des États voisins, comme la Moldovie et la Géorgie, se retrouvent en première ligne. Ces pays abritent des régions sécessionnistes sous influence russe, des entités de facto indépendantes qui incarnent les tensions géopolitiques de cette région post-soviétique.

Dans ce contexte, la Moldovie et la Géorgie ont obtenu en 2022 et en 2023 le statut de candidats à l’Union européenne (UE). Si cette décision semble marquer une orientation stratégique claire de la part de l’UE, elle reflète davantage une réponse à l’invasion russe qu’une réelle volonté d’intégration à court terme. Frédéric Mérand a rappelé que l’adhésion à l’UE repose sur des négociations complexes et un vote unanime, précédés par le respect de critères stricts, comme l’État de droit et l’intégration de l’acquis communautaire. Or, ces deux pays en sont encore loin.

La Moldovie illustre la tension entre ambitions européennes et réalités socioéconomiques. Lors des élections récentes, les citoyens ont renouvelé leur confiance en la présidente pro-européenne Maia Sandu. Ces élections comprenaient aussi un référendum visant à inscrire l’orientation pro-européenne dans la Constitution. Le « oui » l’a emporté de justesse (50,45%), en grande partie grâce à la diaspora, qui joue un rôle politique important dans le pays, où un tiers de la population a émigré depuis l’indépendance en 1991. Cependant, Magdalena Dembińska a souligné que ce vote traduit surtout des préoccupations socioéconomiques immédiates. La Moldovie, l’un des pays les plus pauvres d’Europe, subit de lourdes conséquences économiques liées à la guerre : afflux de réfugiés, coupure du gaz russe, inflation et coût de la vie sept fois plus élevé. L’urgence pour les citoyens reste l’amélioration des conditions de vie, plus que l’intégration européenne.

En Géorgie, le parti pro-russe Rêve géorgien a remporté les élections, bien que les résultats soient contestés par une opposition fragmentée et une partie de la population. Ce vote, interprété par certains comme un rejet de l’Europe, reflète surtout une quête de stabilité dans un pays marqué par le souvenir de la guerre de 2008 avec la Russie. Craignant une escalade des tensions, les électeurs ont privilégié une approche prudente face à Moscou. Le président hongrois Viktor Orbán a salué ce choix, affirmant que les Géorgiens avaient « voté pour la paix, et non pour une seconde Ukraine ». Cette lecture simpliste néglige les multiples facteurs qui ont influencé le scrutin, comme la fragmentation politique et l’ingérence russe, allant de l’achat de votes au déploiement de son soft-power dans la région.

Bien que souvent présentées comme un choix entre l’UE et la Russie, ces élections révèlent des dynamiques internes bien plus complexes. Comme l’ont souligné les conférenciers, l’intégration européenne n’est pas une priorité pour ces populations. Les votes reflètent surtout des choix façonnés par des pressions économiques et des enjeux de sécurité. Ces États occupent un espace d’entre-deux, où leurs élites exploitent les tensions entre Bruxelles et Moscou pour servir leurs propres intérêts. Ce contexte rappelle que, pour ces pays, la guerre en Ukraine n’est pas uniquement une crise régionale, mais une réalité aux répercussions profondes.

Éloïse Gagné.



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