RevUE de la conférence de Samuel Defacqz proposée par Oihana Porcheron
« l’Union européenne et les groupes d’intérêt : en quête de légitimité », le 27 novembre 2023, avec Samuel Defacqz (Université Laval).
Dans cette conférence, Samuel Defacqz questionne la quête de légitimité de l’Union européenne et des groupes d’intérêts en soulignant leur interdépendance. Il définit la représentation des intérêts comme un processus de production de l’influence en plusieurs étapes à savoir l’organisation de groupes d’intérêt, leur survie parmi les organisations existantes, le déploiement de stratégies pour accéder aux instances de décisions publiques et enfin l’accès aux décideurs, mais qui n’implique pas systématiquement une influence effective. Cette représentation est ainsi assurée par des groupes d’intérêt qui sont des organisations disposant de relations informelles avec les instances publiques puisqu’ils ne visent pas l’occupation de mandats publics. Ils adoptent à la fois une logique d’influence, mais également une logique d’adhésion.
La question de la légitimité de l’Union européenne s’est ensuite posée. Le conférencier présente trois modèles successifs de relations UE-société en intégrant la légitimité par les intrants et par les résultats : le modèle consultatif caractérisé par des relations informelles avec majoritairement des acteurs économiques et du monde syndical qui se focalise sur les résultats, puis le modèle de partenariat basé sur les intrants avec une forte institutionnalisation et une invitation de coalition des groupes d’intérêt nationaux à un niveau européen. Enfin, le modèle participatif tente d’impliquer les groupes nationaux et les citoyens dans le processus décisionnel. Néanmoins, ce “tournant participatif” n’a pas encore eu les effets escomptés, et les groupes d’intérêt européens restent les “gardiens de la porte bruxelloise”. L’ouverture des institutions publiques à la participation des groupes d’intérêt est justifiée par la théorie de l’accès (Bouwen, 2004) qui conçoit les groupes et institutions comme des entités interdépendantes : il y a un échange d’accès et de biens d’accès tels que des informations politiques nationales, européennes et techniques créant la légitimité des institutions. Ainsi, les groupes d’intérêt sont des acteurs centraux de l’intégration européenne participant au processus de décision et à la légitimation de l’UE. Enfin la question de la légitimité des groupes d’intérêts est abordée sous deux approches : l’approche normative selon laquelle les actions d’un groupe d’intérêt sont appropriées dans le cadre d’un système de normes définies à priori, et l’approche subjective selon laquelle elles le sont dans un système de normes et de croyances socialement construites. Ces approches sont néanmoins complémentaires pour comprendre des phénomènes d’apparence illogiques
Pour illustrer ces propos, on peut prendre l’exemple de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) qui ont joué un rôle actif dans les réglementations sur les émissions de CO2 des véhicules en faisant pression sur les institutions européennes pour des normes plus souples en soulignant les défis technologiques et économiques auxquels l’industrie était confrontée. Ce groupe apporte également des “biens d’accès” à l’UE en fournissant une expertise dans le domaine automobile.
L’étude des groupes d’intérêt, et de leur rôle au niveau européen me paraît primordiale dans la situation actuelle de l’UE qui est confrontée à un déficit démocratique et une montée de l’euroscepticisme. Ils participent au pluralisme démocratique et facilitent la participation citoyenne, néanmoins, en pratique, l’accès aux institutions européennes est difficile et nécessite d’importantes ressources.
Oihana Porchero.