RevUE de la conférence d’Elsa Bernard proposé par Arthur Perrissin-Fabert

« La communautarisation de la défense européenne ? », February 14, 2024, with Elsa Bernard (University of Lille).

 

La conférence réalisée par Elsa Bernard a porté sur le processus croissant de communautarisation de la défense européenne, son histoire, ses réalisations et ses défis.

La première partie de la conférence s’est attachée à éclaircir la notion de « communautarisation », qui renvoie à la méthode communautaire, c’est-à-dire l’intégration progressive de différents secteurs dans l’acquis communautaire européen. C’est la méthode des petits pas, celle de Jean Monnet.

Si les traités ont au fur et à mesure intégré les piliers communautaires, Elsa Bernard note que les domaines de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et de la politique de défense et de sécurité commune (PSDC) restent jalousement gardés par le domaine intergouvernemental, et non pas communautaire.

Cette sensibilité s’explique en raison de l’essence régalienne du secteur de la défense, de la grande hétérogénéité en matière de défense entre les États membres et par l’appartenance de la plupart des membres à l’OTAN, note Elsa Bernard. Cela explique le fort conservatisme de l’article 42§2 du Traité sur l’Union européenne, qui traite de ces questions. Cela explique également, pour la professeure de droit public, l’absence d’actions en matière de défense entre l’adoption du traité de Maastricht en 1992 et le milieu des années 2010.

Ce n’est qu’avec la détérioration du climat international à partir de cette période, notamment marquée par l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 ou la multiplication des attentats sur le sol européen, que les 27 – le Royaume-Uni ayant déjà voté leur sortie de l’Union – vont commencer à agir pour la défense européenne, au départ de manière purement intergouvernementale.

La sonnette d’alarme pour l’accélération de la communautarisation de la défense européenne : l’invasion russe de l’Ukraine. Ce sera par l’industrie et par la recherche que les premières initiatives en la matière seront menées, raconte Elsa Bernard. En effet, si le budget européen ne peut pas servir à acheter des armes, il peut financer l’industrie de la défense et la recherche en la matière. C’est l’objectif du Fonds européen de défense, adopté en 2021, qui finance par exemple la mise au point d’un système de camouflage adaptatif pour les véhicules.

Plusieurs initiatives ont ainsi été prises dans le domaine de la défense commune, à commencer par la « Facilité européenne pour la paix » qui est destiné à rembourser les États fournissant des armes à l’Ukraine, puis avec la mise en place de deux instruments « communautaires », l’EDIRPA (European Defence Industry Reinforcement Through Common Procurement Act), dont l’objectif est d’inciter les États membres à acheter conjointement des armes, et l’ASAP (Act in Support of Ammunition Production), instrument qui permet de produire et de fournir des munitions à l’Ukraine.

À l’heure où la réélection de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait signer l’arrêt de mort de l’OTAN, le projet d’une « Europe de la Défense », lancé et avorté dès 1964, pourrait progressivement prendre ses marques dans le domaine supranational dans les années à venir.

Arthur Perrissin-Fabert.



Les commentaires sont fermés.