RevUE de la conférence d’Elsa Bernard proposé par Tom Lamour

« La communautarisation de la défense européenne ? », February 14, 2024, with Elsa Bernard (University of Lille).

 

La conférence tenue ce 14 février 2024, intitulée « La communautarisation de la défense européenne ? », nous a été présentée par Elsa Bernard, professeure de droit public à l’Université de Lille et titulaire de la chaire Jean Monnet « l’appartenance à l’UE ».

La conférence s’est découpée en trois points, allant d’une prise de vue globale de la défense européenne vers une problématisation plus précise sur les enjeux que portent ce sujet.

Tout d’abord, Elsa Bernard a souhaité revenir sur le terme de « communautarisation », qu’elle a avoué un peu provocateur du fait que ce pilier consiste en la perte de souveraineté des États par la délégation de compétences aux institutions européennes. La Commission est alors l’organe d’initiative et les textes adoptés suivent la procédure législative ordinaire. Ainsi, un État peut appliquer une décision contraire à sa volonté. Le titre de cette conférence nous invite alors à penser non pas à une mise en commun de la défense, mais plutôt à une européanisation de cette dernière.

Dans un second temps, notre conférencière a souhaité revenir plus spécifiquement sur l’Europe de la défense. Par une analyse juridique, elle nous a ainsi montré que la défense européenne est inscrite dans le préambule et l’article 42 du traité de Maastricht, mais l’ambivalence de sa formulation nous pousse à questionner l’intégration dans ce domaine, d’autant plus que 23 des États de l’UE sont membres de l’OTAN. Elsa Bernard a toutefois souhaité nous démontrer que la défense européenne est en réalité un domaine actif, mais dans une dimension non coercitive : elle mène des missions depuis 2003 dans le cadre d’interventions similaires aux missions de la paix onusiennes. Toutefois, la détérioration récente du climat géopolitique a renforcé la volonté de constituer une défense européenne, avec par exemple la création de la Coopération structurée permanente (CSP), etc.

Elsa Bernard a conclu son intervention en s’interrogeant sur l’intérêt de la défense européenne actuelle. Elle montre ainsi que, suivant le même processus de communautarisation d’autres domaines, la Commission passe par le marché pour intégrer la défense, notamment par l’industrie et la recherche, qui sont de son ressort. L’Europe a commencé à investir depuis 2009 dans des outils et plans d’investissement dans la défense, ce qui a permis la constitution de fonds spéciaux destinés aux États dans le but de produire des munitions et acheter en commun. Parmi ces fonds, on trouve en premier lieu le Fonds européen de défense (FED).

Cette stratégie d’Europe de la défense s’inscrit dans l’adoption récente des règlements « European Defence Industry Reinforcement Through Common Procurement Act » (EDIRPA) et « Act in Support of Ammunition Production » (ASAP), lors desquels plusieurs centaines de millions d’euros ont été investis par l’UE dans une perspective d’achats et de productions communes de munitions dans le but d’aider l’Ukraine et maintenir des stocks suffisants à l’échelle nationale. Ces règlements sont des illustrations de l’ambiguïté qui règne au sujet de la défense commune, avec d’une part un objectif ambitieux de mise en commun, mais d’autre part des aspirations communautaires de la Commission refoulées par le Conseil européen.

Cette conférence a été particulièrement éclairante dans le contexte géopolitique actuel, lors duquel l’ancien président américain en campagne Donald Trump a encouragé la Russie à envahir les États qui ne payaient pas leur juste part à l’OTAN. La majorité de ces États étant européens, la question d’une Europe de la défense fait de plus en plus de sens dans ce contexte très tendu.

Tom Lamour.



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